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Introduction et enjeux de la 11e Assemblée des États parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale

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Camille Marquis Bissonnette

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20 Novembre 2012

Dimanche, 18 novembre 2012 : nous voilà enfin à La Haye, aux Pays-Bas. Alain-Guy Tachou-Sipowo, candidat au doctorat et chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université Laval, Érick Sullivan, directeur adjoint de la Clinique de droit international pénal et humanitaire (« CDIPH ») et candidat à la maîtrise en études internationales à l’Institut québécois des hautes études internationales, et moi participons cette année à la onzième Assemblée des États parties (« AÉP ») au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (« Statut de Rome »), se déroulant du 14 au 22 novembre à La Haye. Nous vivons cette expérience sous la grande bannière de la Coalition pour la Cour pénale internationale (« CCPI ») et dans le cadre du projet Outils juridiques de la Cour pénale internationale (« CPI »), piloté au Canada par le Centre canadien pour la justice internationale (CCJI) et auquel est associée la CDIPH. À cette occasion, nous assisterons à certaines discussions des États parties en plénière, mais aussi à certaines conférences thématiques périphériques dans le cadre de cette réunion diplomatique annuelle.

Pour mémoire, la Cour pénale internationale est le résultat d’une volonté commune des États de lutter contre l’impunité sur une base institutionnalisée et internationale. Elle tire son existence, ses règles et ses principes du Statut de Rome, dont la rédaction a débuté en 1998 et qui est entré en vigueur en 2002. Jusqu’à ce jour, il a été ratifié par 121 États, parmi lesquels ne figurent pas les États-Unis, la Russie, la Chine et Israël.

L’année 2012 a été marquante pour la CPI. En effet, elle a rendu le premier jugement de son histoire à l’encontre de la première personne qu’elle a accusée, Thomas Lubanga Dyilo. De plus, l’AÉP est, cette année, le forum de remises en question et de mises au point de certaines des orientations principales du tribunal et le lieu où plusieurs décisions majeures seront adoptées concernant le fonctionnement de la Cour. Parmi celles-ci, notons l’élection du Procureur adjoint aux poursuites, qui a eu lieu, avant notre arrivée, le vendredi 16 novembre, et à l’issue de laquelle le Canadien James Stewart a été choisi parmi trois autres candidats. En outre, les 121 États parties discuteront notamment du budget de 2013, des enjeux liés à la coopération et à la complémentarité, de l’adoption de la résolution omnibus, du financement du Fonds pour les victimes, de la mise en place du Plan d’action pour la réalisation de l’universalité de la Cour et l’implantation totale du Statut de Rome. Je m’attarderai ici très brièvement aux trois premiers éléments.

En ce qui concerne le budget, les discussions entre les États se déroulent dans un contexte de crise économique mondiale. La Cour étant entièrement financée par les contributions des États membres, lesquelles sont déterminées en fonction des revenus de chacun d’entre eux, le débat sur le budget de la CPI prend une importance cruciale parmi les décisions de l’AÉP. Cette année, la Cour a demandé une augmentation du budget de 9,6 millions d’euros, alors que le Comité sur le budget et les finances a plutôt recommandé une hausse de 6,6 millions d’euros[1]. À ce sujet, deux positions majeures s’opposent : d’un côté, la croissance nominale nulle du budget (« zero growth »), selon laquelle les contributions des États demeurent exactement au même niveau, sans tenir compte de l’inflation - cette option correspondant, dans les faits, à une diminution du budget de la CPI - et d’un autre côté, l’augmentation du budget afin de subvenir à l’importance croissante du rôle de la Cour et à l’augmentation des situations sur lesquelles elle se penche. Les États examineront, durant l’Assemblée en cours, les recommandations du Comité sur le budget et les finances de la Cour, puis voteront l’augmentation ou le maintien du budget.

Les enjeux autour de la coopération et de la complémentarité, inhérents à l’existence de la Cour, sont, de façon évidente, intimement liés au budget de la Cour. Cette dernière ayant des ressources limitées, ne possédant notamment ni prison ni police, elle compte sur la collaboration des États pour rendre effective sa juridiction. À cet égard, l’un des enjeux est, d’une part, la transposition des dispositions du Statut de Rome en droit national, notamment par la criminalisation des crimes internationaux codifiés par la Cour et par la mise en place de mécanismes permettant de réprimer efficacement ces crimes. D’autre part, la coopération doit aussi s’étendre à la protection des victimes par les États, notamment par la signature d’accords relatifs à la relocalisation des victimes et témoins. Les discussions sur la coopération concernent aussi la possibilité de punir la non-coopération des États parties. Par ailleurs, certains États et organisations non gouvernementales souhaitent l’adoption d’une résolution distincte sur la coopération afin de donner davantage de poids aux mesures prises en la matière.

Le principe de la complémentarité, codifié dans le Statut de Rome au dixième alinéa du Préambule et à l’article 1, est, cette année, un sujet de discussion fondamental pour la CPI. En vertu de ce principe, une affaire ne pourra être portée devant la CPI que si l’État ne veut ou ne peut soumettre les présumés responsables des crimes à son système national de justice. Vu les fonds limités dont la Cour dispose et le nombre croissant de pays où son action est requise, la CPI a intérêt à aider les États à développer leur capacité de poursuivre et de juger les présumés criminels internationaux. Elle ne doit pas s’opposer ou entrer en compétition avec les juridictions nationales : elle doit plutôt aider ces dernières à rendre justice. Ainsi, le rôle de la Cour passe notamment par le support aux initiatives nationales pour la poursuite des présumés criminels internationaux.

La prochaine semaine sera donc pour nous et pour les États parties au Statut de Rome une intense période de débats, alors que la CPI fête cette année ses dix ans d’existence. Cette expérience sera sans doute très enrichissante et nous permettra de mieux comprendre les enjeux très réels que la CPI doit résoudre et les réponses que les États proposeront à ces égards.

 

*Camille Marquis Bissonnette, étudiante au Baccalauréat intégré en affaires publiques et relations internationales, étudiante de la Clinique de droit international pénal et humanitaire.

 

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