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Le droit international humanitaire et les défis des conflits armés contemporains : résumé en français du rapport du CICR (Partie I)

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Steve Tiwa Fomekong

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Marine Colomb

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Jérémie Legault

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French
5 November 2019

Résumé en français du Rapport préparé par le Comité international de la Croix-Rouge en vue de la 33ème Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge : Le droit international humanitaire et les défis des conflits armés contemporains. Réengagement en faveur de la protection dans les conflits armés à l’occasion des 70 ans des Conventions de Genève


Mise en garde
La lecture du rapport proposée ci-dessous est celle de ses auteur.e.s, pas du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ; il ne s’agit pas d’une traduction officielle ni d’un compte-rendu exhaustif. Les auteur.e.s du billet ont voulu offrir un résumé du document à la communauté francophone, en attendant qu’une version officielle en français soit publiée par le CICR, et ainsi contribuer au débat qu’il a vocation à susciter. La version complète en anglais est disponible ici.


Le Rapport préparé par le CICR en vue de la 33ème Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge « Le droit international humanitaire et les défis des conflits armés contemporains. Réengagement en faveur de la protection dans les conflits armés à l’occasion des 70 ans des Conventions de Genève » est paru le 25 octobre dernier. Disponible uniquement en anglais pour le moment, Julia Grignon, Marine Colomb, Jérémie Legault et Steve Tiwa, membres de Osons le DIH !, vous en proposent un résumé en français.

Il s’agit du 5ème rapport du genre à être présenté à la Conférence internationale de la Croix-Rouge, dont la prochaine aura lieu du 9 au 12 décembre 2019. Le but de ces rapports est « d’offrir une vue d’ensemble de certains des défis posés au droit international humanitaire par les conflits armés contemporains ; d’initier une réflexion plus large sur ces défis ; et d’exposer les grandes lignes de l’action, des positions et des champs d’intérêts actuels et à venir du CICR » (Rapport, p. 2). Parmi les nouveaux thèmes de 2019, figurent les questions relatives aux sièges de villes, l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la guerre et la protection des personnes en situation de handicap.

Le rapport est composé de 8 sections : I- Introduction ; II- Défis contemporains et futurs de la conduite des hostilités ; III- Les besoins de la population civile dans des conflits de plus en plus longs : questions choisies, IV- Le droit international humanitaire et les groupes armés non étatiques ; V- Terrorisme, mesures contreterroristes et droit international humanitaire ; VI- Climat, conflit armé et environnement naturel ; VII- Améliorer le respect du droit international humanitaire ; VIII- Conclusion.

Ce billet de blogue est publié en deux volets : cette première partie du résumé ci-dessous s’attardera sur l’introduction du rapport et sur la partie sur les défis contemporains et futurs de la conduite des hostilités, la seconde abordera les autres thèmes traités dans le rapport.

I- Introduction

Le rapport souligne en premier lieu le fait que l’année de la conférence internationale en vue de laquelle il est rédigé coïncide avec le 70ème anniversaire des Conventions de Genève. Au nombre des points de satisfaction, il souligne la ratification universelle des Conventions de Genève, la réaffirmation fréquente des règles qu’elles contiennent et leur large transposition dans le droit interne et les doctrines militaires : « Chaque jour, les forces armées mettent en œuvre le droit international humanitaire afin de réduire le coût de la guerre pour l’humanité » (Rapport, p. 4). Toutefois, au nombre des points à améliorer, le CICR constate que le non-respect du DIH demeure un problème insoluble. Insistant sur le fait que toute violation de ce droit a des conséquences dramatiques à l’endroit des populations qui les subissent, le CICR pointe ensuite un certain nombre de situations spécifiques : le Yémen, la Syrie, le Sahel et la région du Lac Tchad, l’Afghanistan, la République Démocratique du Congo, la République Centrafricaine, le Soudan du Sud, la Colombie ou encore l’Ukraine. Il évoque ensuite un certain nombre d’éléments sujets à préoccupation (les déplacements internes, les changements climatiques, les médias sociaux), puis liste les violations récurrentes du DIH (attaques indiscriminées, torture et mauvais traitements, viols et autres violences sexuelles, attaques contre les soins de santé, prises d’otages, exécutions sommaires et extrajudiciaires). L’introduction est également l’occasion de mettre d’emblée l’emphase sur les dangers que portent la rhétorique terroriste, l’apposition de ce label sur certains groupes armés ou sur certaines personnes et les législations antiterroristes qui ne font que se durcir, notamment en ce qui concerne les conséquences qu’ils produisent sur la délivrance de l’aide humanitaire.

L’introduction souligne également un point qui se retrouve reproduit ici in extenso tant il fait écho à certains des objectifs de Osons le DIH!, développement de partenariat auquel appartiennent les auteur.e.s du présent résumé :

Il est également essentiel d’aborder les défis moins évidents que sont l’interprétation et l’application du droit international humanitaire, en tant qu’éléments vitaux pour la promotion et le respect du droit. Alors que les États déploient leur force contre diverses menaces, la question fondatrice de savoir si le droit des conflits armés s’applique est susceptible de manipulation. Le droit est subordonné à la discrétion lorsque les États invoquent le droit international humanitaire et recourent à la force à grande échelle dans des situations qui ne répondent pas aux critères juridiques des conflits armés ; ou lorsque, à l’inverse, il n’est donné aucune chance au droit international humanitaire de remplir son rôle parce que les États, craignant des perceptions négatives et des contraintes extérieures, nient l’existence d’un conflit armé alors même que les critères ont été indiscutablement atteints (Rapport, p. 5).

Enfin, avant de conclure avec une réaffirmation de l’article 1 commun aux quatre Conventions de Genève qui prévoit que les États doivent respecter et faire respecter le DIH, le rapport fait la liste de la différence que produit le DIH pour les personnes affectées par les conflits armés lorsqu’il est mis en œuvre : conscientisation à l’égard du DIH sur le champ de bataille, déminage et sensibilisation aux risques liés aux mines, rétablissement des liens familiaux, libération et rapatriement de prisonniers de guerre, restitution de dépouilles mortelles, engagement de groupes armés contre l’enrôlement et l’utilisation d’enfants dans les hostilités et contre les violences sexuelles, ou encore soin aux blessés ennemis.

II- Défis contemporains et futurs de la conduite des hostilités

            a) L’urbanisation des conflits armés

Le rapport aborde dans un premier temps la question de l’urbanisation des conflits armés. Ainsi, le CICR rappelle que si le monde s’urbanise, la guerre s’urbanise aussi. En effet, dans les conflits contemporains les combats se déroulent majoritairement dans des zones urbaines, ce qui provoque des atteintes majeures à la population civile et aux biens de caractère civil.

Le DIH pose des limites et des conditions dans le choix des moyens et des méthodes de guerre pour protéger au maximum la population civile des effets de la guerre. Toutefois, de sérieuses questions émergent concernant cette protection dans le cadre des conflits en zone urbaine. En effet, si le DIH interdit les attaques directement menées contre les civils, ainsi que les attaques sans discrimination, lorsque ces attaques ont lieu en zone urbaine, ces interdictions sont confrontées à de nouveaux défis. C’est pourquoi les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution, qui sont tous trois complémentaires, doivent être appliqués avec à l’esprit la nécessité de prendre des précautions supplémentaires dans les conflits se déroulant en zones urbaines. Le CICR considère notamment que les effets des attaques doivent être anticipés autant que possible au moment de qualifier une cible d’objectif militaire. Par exemple, dans des villes qui abritent des usines de produits toxiques il convient d’anticiper les risques pour la population civile, de même que le risque d’épidémie ou de maladie en cas de destruction partielle ou totale du système d’évacuation des égouts. Le CICR rappelle en outre que les biens nécessaires à la survie de la population civile (comme par exemple le système de distribution d’eau potable) ne doivent jamais être attaqués, détruits, ou mis hors d’usage.

Le rapport liste également les principaux défis liés aux attaques en milieu urbain. Le premier d'entre eux tient au fait que les services essentiels à la survie de la population sont organisés en réseaux de systèmes connectés les uns aux autres. Ainsi, une attaque qui aurait pour effet d’endommager ce réseau entraînerait l’arrêt de tous ces services vitaux. Le deuxième défi renvoie au fait que l’anticipation des effets des attaques ne concerne pas seulement leurs effets directs, mais également leurs effets indirects, qui pourraient mettre à mal le réseau de services nécessaires à la survie de la population civile.  Le troisième défi est lié au déplacement de la population, dans les villes ou à l’extérieur, et qui est l’un des effets les plus redoutés pour les populations civiles. Le quatrième défi est quant à lui lié au fait que des biens sont utilisés à la fois par la population civile et par les forces armées, ce qui leur donne un statut ambigu, ces biens pouvant être considérés comme des biens de caractère civil mais également comme des objectifs militaires. Enfin, le cinquième défi naît de l’utilisation de l’incendie dans la ville par les troupes, ce qui représente un danger supplémentaire pour les civils.

Les populations civiles sont bien mieux protégées lorsqu’elles ne se retrouvent pas au milieu des hostilité. Malheureusement, les parties au conflit utilisent parfois les civils comme des boucliers humains ou les mettent délibérément en danger, ce qui est absolument prohibé par le DIH.

Le CICR s’intéresse également dans le rapport à l’utilisation des armes explosives dans les zones urbaines. Le recours aux armes explosives a non seulement un impact direct sur la vie et la santé des personnes civiles, mais également un impact indirect sur le fonctionnement des services nécessaires à la survie de la population, lesquels pourraient être détruits ou abimés du fait des explosions. Cet impact indirect met donc en péril une partie plus vaste de la population civile que celle qui est exposée directement aux explosions. C’est pourquoi le CICR appelle les États à éviter le recours aux armes explosives dans les zones peuplées, et ce même si leur utilisation aurait pu être considérée comme étant licite au regard du DIH.

Finalement, le rapport soulève la question de la protection de la population civile en cas de siège, puisque même s’il n’existe pas de définition du « siège » en tant que tel en DIH, cette méthode s’accompagne souvent de graves conséquences pour de nombreux civils. Les sièges dans les conflits armés récents ont été combinés avec des bombardements et des combats intenses entre les assiégeants et les assiégés, résultant en une source de danger pour les populations civiles coincées dans ces zones. Le CICR rappelle que de nos jours les sièges ne sont licites que s’ils sont dirigés exclusivement contre les forces armées ennemies.

b) Conflits armés et nouvelles technologies :

Le rapport aborde ensuite les nouvelles technologies appliquées à la guerre. En effet, bien que peu d’États l’affirment publiquement, le recours aux moyens de guerre cyber est de plus en plus fréquent. Cette méthode de combat non-violente vise à perturber les capacités technologiques d’un ennemi en s’attaquant à ses systèmes électroniques via d’autres ordinateurs ou dispositifs du même genre. Or, si des biens tels que les hôpitaux, les centrales électriques et les réservoirs d’eau potable, par exemple, sont pris pour cible, il en résulte des dangers inhérents à l’égard des civils.

Le CICR réaffirme que « […] les principes de distinction, proportionnalité et précaution peuvent et doivent être respectés » (Rapport p. 20). La majorité des attaques cyber qui ont été observées étaient d’ailleurs discriminées d’un point de vue technique. Leurs caractéristiques techniques prouvent qu’elles peuvent être utilisées de façon à respecter le DIH.

Pour ce qui est des systèmes d’armes autonomes, le CICR rappelle qu’une distinction est à faire entre l’autonomie, qui permet à des machines armées d’engager une cible sans intervention humaine, et l’automatisation, qui permet aux machines d’agir seulement dans des paramètres déterminés avant leur activation. Les risques liés à l’emploi des systèmes d’armes autonomes mènent le CICR à adopter une approche basée sur le contrôle humain dans l’usage de la force pour respecter la responsabilité morale et la dignité humaine.

Il est aussi rappelé que le respect des normes de DIH, ainsi que la responsabilité de l’usage de ces armes, ne peuvent pas être délégués aux machines et doivent rester entre les mains des humains qui les emploient. Dans cette optique, « […] les commandants et les opérateurs doivent garder un niveau de contrôle humain suffisant sur les systèmes d’armes pour leur permettre de prendre des décisions basées sur le contexte en appliquant le droit dans une attaque » (Rapport p. 23).

Ainsi, un degré de contrôle humain doit être gardé pendant le développement, la programmation, l’activation et l’opération des systèmes d’armes autonomes. Le CICR reconnait que le DIH actuel ne peut pas répondre à toutes les questions liées à ces armes et que « […] il reste un urgent besoin de convenir d’un accord sur le type et le degré nécessaires de contrôle humain dans la pratique pour assurer autant le respect du DIH que l’acceptabilité éthique » (Rapport p. 24).

L’intelligence artificielle dans la robotique militaire permettra d’augmenter les capacités des systèmes d’armes autonomes notamment en améliorant la détection autonome des cibles. Cependant, l’intelligence artificielle peut aussi fournir des informations aux décideurs militaires, qui les pousseront à prendre des décisions qui pourraient mener à des violations du DIH. Ainsi, il faut maintenir un niveau de contrôle humain suffisant dans ces innovations. Toutefois, le contrôle humain ne sera pas suffisant pour garantir le respect du DIH, il faudra alors s’assurer de la prévisibilité et de la fiabilité de ces systèmes grâce à des examens de licéité prévus pour les nouvelles armes.

Par ailleurs, l’utilisation d’armes dans l’espace peut poser des risques considérables pour le respect du DIH, puisque des infrastructures civiles importantes, telles que des satellites GPS qui servent à la navigation en véhicule ou à gérer le trafic aérien, pourraient être atteintes. Ces conflits potentiels tomberaient dans le champ du DIH via l’article 3 du Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes (Traité sur l’espace) (1967). Ainsi, les principales règles du DIH s’appliqueraient aussi aux conflits se déroulant dans l’espace. Aussi, le CICR affirme qu’il existe des risques importants que des objets de caractère civil dans l’espace soient visés et que ceux-ci devraient être réduits. Il est ainsi mentionné dans le rapport que : « Les États peuvent décider que des nouvelles interdictions ou limitations peuvent être justifiées pour réduire les risques de dommages civils importants pouvant résulter de l’emploi d’armes dans l’espace » (Rapport, p. 28).

L’examen de licéité des nouvelles armes prévu à l’article 36 du Protocole additionnel I demeure très important afin de s’assurer que les nouvelles technologies militaires respectent le DIH. Ainsi, tous les types d’armes doivent être soumis à ce processus, même les logiciels militaires utilisés dans les attaques cyber. Cependant, les technologies en armement deviennent de plus en plus complexes, ce qui rend également cette évaluation plus difficile. Dans cette optique, le CICR encourage la transparence des États, lesquels devraient partager davantage d’information liée à leurs processus d’examen de licéité des nouvelles armes.

La suite est disponible ici.


Ce billet ne lie que la ou les personne(s) l’ayant écrit. Il ne peut entraîner la responsabilité de la Clinique de droit international pénal et humanitaire, de la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale et les droits fondamentaux, de la Faculté de droit, de l’Université Laval et de leur personnel respectif, ni des personnes qui l’ont révisé et édité. Il ne s’agit pas d’avis ou de conseil juridiques.


La publication de ce billet est en partie financée par Osons le DIH! et le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada. 

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