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La protection de l'environnement naturel en période de conflit armé

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11 Juin 2023

Irak, des palmiers abattus


Ce billet est la version française du « Highlight » publié simultanément par le Comité international de la Croix-Rouge et dont la version originale se trouve ici, il n’est pas le fruit du travail de la personne mentionnée qui en est le traducteur.


Comment est-il possible de définir l’« environnement naturel » ? Est-il protégé en DIH ? De quelle manière? Est-ce que la protection de l’environnement ne vaut que durant la conduite des hostilités ? Est-ce qu’il existe d’autres règles qui protègent l’environnement durant les conflits armés ?

Les conflits armés provoquent en général des dommages et des dégradations à l’environnement dont les conséquences peuvent s’étendre sur des années, et qui ont un impact important sur les vies des personnes touchées. Le droit international humanitaire (DIH), avec l’appui d'autres branches du droit international, fournit un cadre juridique permettant de protéger l’environnement naturel en période de conflit armé, à la fois durant la conduite des hostilités et dans une situation de contrôle par une partie au conflit.

Définir l’« environnement naturel »

La notion d’« environnement naturel » n’est pas définie en DIH. L’environnement naturel est considéré comme formant le monde naturel, incluant l’hydrosphère, la biosphère, la géosphère et l’atmosphère (ce qui inclue la faune, la flore, les océans et les autres étendues d’eau, la terre et les pierres) et les éléments naturels qui sont le produit de l’intervention humaine, cumulés au système d’interrelations inextricables entre les organismes vivants et leur environnement inanimé, dans le sens le plus large possible.

La protection spécifique

Des règles conventionnelles et coutumières de DIH protègent spécifiquement l’environnement en période de conflit armé. Elles disposent qu’il est interdit d’utiliser des méthodes ou des moyens de guerre conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu’ils causeront, des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel (Article 35(3) du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1949 ; Règle 45 de l’Étude du CICR sur le DIH coutumier). De plus, ces règles disposent qu’il faut dûment tenir compte de la protection et de la préservation de l’environnement naturel dans la guerre. Ces règles interdisent aussi la destruction de l’environnement naturel en tant que méthode de guerre (voir Règle 45 de l’Étude du CICR sur le DIH coutumier). Les attaques contre l’environnement naturel à titre de représailles sont également interdites (article 55 du PA I). Même si les dispositions conventionnelles qui protègent spécifiquement l’environnement étaient initialement limitées aux situations de conflits armés internationaux, la plupart de ces règles ont été considérées comme étant applicables également aux conflits armés non internationaux en DIH coutumier, bien que certains États contestent le caractère coutumier de certaines parties de ces règles.

Enfin, en vertu de la Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles (ENMOD), l’utilisation à des fins militaires ou à toutes autres fins hostiles de techniques de modification de l’environnement ayant des effets étendus, durables ou graves, en tant que moyen de causer des destructions, des dommages ou des préjudices à tout autre État partie est interdite. Les trois critères « étendus, durables ou graves » mentionnés dans la convention sont alternatifs et non cumulatifs.

La protection générale

De plus, en prenant en compte la définition des biens civils à l’article 52(2) du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1949 (et à la Règle 9 de l’Étude du CICR sur le DIH coutumier), l’environnement naturel est protégé par les principes généraux de DIH applicables aux biens civils, à moins qu’un élément de l’environnement ne devienne un objectif militaire. Ainsi, tous les principes régissant la conduite des hostilités, à savoir la distinction, la proportionnalité et les précautions, s’appliquent pleinement à l’environnement naturel. Il faut y rajouter les règles générales applicables aux biens sous le contrôle d’une partie à un conflit armé, qui incluent les biens ennemis en territoire occupé et qui s’appliquent également aux biens qui font partie de l’environnement naturel, par exemple les ressources naturelles.

Les obligations de droit international de l’environnement, ainsi que celles qui découlent du droit international des droits de la personne et des autres branches de droit international pertinentes, continuent de s’appliquer en période de conflit armé.

La protection de l’environnement naturel découle aussi de règles de DIH relatives à d’autres biens spécifiquement protégés. C’est le cas des biens indispensables à la survie de la population civile, qui font souvent partie de l’environnement naturel, et dont les attaques, la destruction, l’enlèvement, ou la mise hors d’usage sont interdits. Cette règle ressort clairement du droit conventionnel et coutumier et s’applique à la fois dans les conflits armés internationaux et non internationaux (Article 54(2) du PA I et article 14 du PA II ; Règle 54 de l’Étude du CICR sur le DIH coutumier). Ces biens comprennent par exemple les denrées alimentaires, les zones agricoles, les récoltes, le bétail, les installations et réserves d’eau potable et les ouvrages d’irrigation.

De plus, la protection des biens culturels en DIH, à la fois dans le cadre de la conduite des hostilités et du contrôle par une partie au conflit, fournit également un cadre juridique lorsque de tels biens représentent une partie de l’environnement naturel (voir article 53 PA I, article 16 PA II ; règles 38, 39 et 40 de l’Étude du CICR sur le DIH coutumier).

La protection indirecte de l’environnement naturel découle également d’autres règles, par exemple celles relatives à la protection des ouvrages et installations contenant des forces dangereuses. Ceci s’explique par les effets graves que la libération de telles forces dangereuses peut avoir sur l’environnement naturel environnant et sur la population civile.

La protection par les règles relatives à des armes spécifiques

La protection de l’environnement naturel ressort également des règles relatives aux armes spécifiques, à l’image de l’utilisation du poison ou d’armes empoisonnées, des armes biologiques et chimiques, de l’utilisation d’herbicides, des armes incendiaires, des mines terrestres ou des armes nucléaires.

La mise en œuvre de la protection de l’environnement naturel

Les parties à un conflit armé ont l’obligation de respecter et faire respecter les règles protégeant l’environnement naturel et d’adopter toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre de telles protections (Article 1 commun aux Quatre Conventions de Genève ; Règles 139 et 140 de l’Étude du CICR sur le DIH coutumier). Ces mesures incluent les poursuites pour crimes de guerre et la prise de mesures pour d’autres violations du DIH (respectivement les articles 49, 50, 129 et 146 des Quatre Conventions de Genève ; article 85 du PA I ; Règle 158 de l’Étude du CICR sur le DIH coutumier). Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale criminalise en tant que crime de guerre en contexte de conflit armé international le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu’elle causera incidemment des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’ensemble de l’avantage militaire concret et direct attendu (Statut de Rome, article 8.2.b)iv)). Plusieurs États ont intégré dans leur législation interne ce crime de guerre spécifique ou d’autres crimes relatifs à la protection de l’environnement naturel en période de conflit armé.

De plus, le CICR recommande que les parties à un conflit armé établissent des accords spéciaux pour offrir une protection supplémentaire à l’environnement naturel. L’identification de zones à l’importance environnementale ou à la fragilité particulière (à l’image des parcs nationaux, des réserves naturelles, des zones clés pour la biodiversité, etc.) et leur désignation en tant que zones démilitarisées, autant en temps de paix qu’en temps de guerre, a particulièrement été mise en avant (Directives du CICR, paras 138 et suivants).

Protéger l’environnement naturel en période de conflit armé : un message essentiel à transmettre

Les conflits armés d’aujourd’hui se déroulent majoritairement dans des points névralgiques pour la biodiversité et dans d’autres épicentres de la crise environnementale et climatique. Dans ce contexte, il est devenu essentiel de diffuser la façon dont le droit protège l’environnement des effets des conflits. Les dommages causés à l’environnement naturel par les conflits armés peuvent avoir des impacts graves et durables sur la vie des populations, et doivent ainsi sérieusement être pris en compte par toutes les parties à un conflit armé.

Matériel pédagogique

Le droit

Une présentation détaillée des règles de DIH relatives aux biens spécifiquement protégés durant la conduite des hostilités, notamment l’environnement naturel, peut se trouver dans le chapitre « Conduct of hostilities (conduite des hostilités) » de la section « The Law (le droit) (en anglais seulement sur le site, en français dans l’ouvrage équivalent « Un droit dans la guerre ? »).

La pratique

Une sélection d’études de cas pertinents tirés de The Practice (La pratique) illustrent plus en détail :

A à Z (en anglaise seulement)

Les définitions pertinentes peuvent être trouvées dans la section « A to Z (A à Z) » (en anglais seulement) :

Les attaques, Les armes bactériologiques, Les armes biologiques ou bactériologiques, Les armes chimiques, Les biens civils, La population civile, La conduite des hostilités, Les biens culturels, Le droit international humanitaire coutumier, Les barrages, les digues, et les centrales nucléaires et électriques, Les zones démilitarisées, Les déplacements, La distinction, Les digues, L'environnement, La nourriture, Les principes fondamentaux de DIH, Les hostilités, La mise en œuvre, Les armes incendiaires, Les attaques indiscriminées, Les installations contenant des forces dangereuses, Les moyens de guerre, Les méthodes de guerre, Le napalm, Les ressources naturelles, Les zones neutralisées, Les localités non défendues, Les centrales nucléaires, Les armes nucléaires, Les biens indispensables à la survie de la population civile, Le pillage, Les précautions contre les effets des attaques, Les précautions dans l'attaque, La proportionnalité, Les biens protégés, La protection de l'environnement, Les représailles, La famine, L'eau, Les armes, Les ouvrages et installations contenant des forces dangereuses, Les zones.

Pour aller plus loin

Les directives, les commentaires, les règles, les documents et les ressources peuvent aider à explorer plus en profondeur la protection de l’environnement naturel en période de conflit armé


Ce billet ne lie que la ou les personne(s) l’ayant écrit. Il ne peut entraîner la responsabilité de la Clinique de droit international pénal et humanitaire, de Osons le DIH!, de la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale et les droits fondamentaux, de la Faculté de droit, de l’Université Laval et de leur personnel respectif, ni des personnes qui l’ont révisé et édité. Il ne s’agit pas d’avis ou de conseil juridiques.


La publication de ce billet est en partie financée par Osons le DIH! et le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.

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